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Engagé pour être congédié… vraiment ?

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Engagé pour être congédié… vraiment ?

Suite à la popularité de l'article de Martin Leclerc, nous avons décidé de commencer à partager nos écrits - voici le premier article.

Andre Lachance
and
François Rodrigue
Feb 7, 2022
2
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Engagé pour être congédié… vraiment ?

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Comme à chaque année, à la suite d’un début de saison chancelant où les résultats sont en deçà des attentes, des entraîneurs-chefs de la Ligue nationale de hockey sont limogés. Il n’est pas rare qu’il ne reste quelques années à écouler au contrat de l’entraîneur. Lors d’un congédiement, les médias interrogent d’anciens athlètes, des entraîneurs, et des dirigeants afin de recueillir leurs impressions sur le changement de leadership de l’équipe. Le commentaire faisant surface le plus souvent est « C’est normal, car un entraîneur-chef est engagé pour être congédié ». Un commentaire entendu encore une fois sur les ondes de ma radio locale ce matin. Le moment n’est-il pas venu pour jeter les bases d’une approche nouvelle sur le soutien apporté aux entraîneurs des équipes professionnelles afin de placer nos capitaines de navire dans une position favorable au succès de nos équipes sportives?  

Depuis 1999, bon nombre d’articles scientifiques soutiennent l’importance de la sécurité psychologique au sein des équipes de travail. L'augmentation continuelle des mentions du concept reflète la reconnaissance croissante de l'importance de la sécurité psychologique dans les environnements de performance. Qu'il s'agisse de diriger une équipe de projet au bureau, de soigner des patients dans un service hospitalier, ou encore d'entraîner une équipe de hockey, ce concept refait toujours surface.

La sécurité psychologique fait référence à la compréhension partagée entre vous et votre équipe qu'il est sûr de poser des questions, d’expérimenter avec de nouvelles méthodes de travail et de pouvoir dire le fond de ses pensées, sans craindre d'être jugé, réduit au silence, ignoré ou rejeté. La recherche démontre que les équipes qui se sentent en sécurité s'engagent mieux, apprennent mieux et sont plus performantes.

Donc, cela représente tout un contraste pour un entraîneur-chef qui est « engagé pour être congédié ».  Une diminution du sentiment de sécurité amène qui que ce soit à se rabattre sur ce qui est connu, sa zone de confort. Il va de même pour les entraineurs. Sans sécurité psychologique, il faut dire au revoir à la créativité, au risque, et à l’innovation.  Du coup, aux poubelles la performance et les résultats durables ! Ces mêmes entraîneurs ne prendront pas le temps de développer de nouvelles tactiques ou stratégies et se rabattront sur ce qu’ils ont toujours fait. Lentement mais sûrement, ils glisseront derrière la parade, car il ne faut surtout pas qu’ils se trompent, sinon leur poste serait en danger.

Non seulement la sécurité psychologique est un frein à la performance, mais il est également intéressant de s’attarder aux travaux sur les entraîneurs efficaces en sport afin de réfléchir différemment aux rôles de l’entraîneur-chef d’une équipe sportive. La recherche nous indique 3 types de connaissances essentielles pour performer dans son rôle d’entraîneur:

Le savoir professionnel :  Nous parlons ici de la connaissance technique et tactique de son sport. En hockey, ce sont les connaissances associées aux habiletés de patinage, de passe, de lancers et aux structures tactiques (p. ex., sortie de zone) pour vaincre l’adversaire. Ce secteur a sans aucun doute son importance dans un sport et encore plus d'importance dans un département associé au développement des joueurs.

Le savoir interpersonnel : Ces connaissances font référence à l’environnement de travail, des relations entre les athlètes de l’équipe, entre l’entraîneur et les membres de l’équipe. Ce sont les habiletés pédagogiques qui viendront souder l’apprentissage. Les meilleurs entraîneurs seront ceux qui auront dans leur arsenal, la capacité de pouvoir changer de styles de leadership selon le contexte et le niveau de maturité du groupe. Plus facile à dire qu’à faire pensez-vous, mais pas impossible si on regarde certaines organisations, qui ont à leur tête, un entraîneur ayant pu mettre ces éléments bien en place.

Le savoir intrapersonnel : Ce sont les connaissances négligées par la majorité des équipes sportives professionnelles. On parle ici de la capacité de l’entraineur à s’accorder du temps pour réfléchir, à faire de l’introspection, à être curieux sur des méthodes de travail différentes. Cette pratique réflexive est le mécanisme fondamental à l’intégration des savoirs dans la pratique. Alors que l’entraîneur-chef d’une équipe agit comme le capitaine du navire, aucune personne n’est présente dans l’organisation pour le supporter, le guider dans son cheminement et l’inviter à penser autrement. Plusieurs entraîneurs clament avoir 25 ans d’expérience en coaching, mais en rétrospective, le constat est tout autre. Nous parlons davantage de 25 fois la même année d’expérience.

Vous comprendrez que les athlètes devenant entraîneur du jour au lendemain, arrivent en poste avec une bonne maîtrise des connaissances professionnelles. Le fait d’avoir été un athlète dans leur sport leur procure une connaissance technique et tactique qui ne fait aucun doute. Cependant, sans travailler sur les autres connaissances, il demeure un entraîneur qui a recours qu’à un seul type de connaissances. Présentement, les équipes mettent des entraîneurs en place qui n’ont que le tiers des connaissances à leur disposition. C’est comme si vous achetiez une voiture avec seulement le tiers des commandes qui fonctionneraient. Ça vous tente ?

Une étude récente démontre également que le changement d’entraîneur de football dans la NCAA amène 0.5 victoires de plus au bout de 5 ans … Ça revient à penser qu’il suffit de changer le conducteur de la voiture suite à une crevaison pour atteindre notre destination. Dans certains cas, ne serait-il pas plus avantageux de garder le même entraîneur en place et d’investir dans son développement professionnel?

Claude Julien a été congédié par les Canadiens en février 2021. C’est 5 millions de dollars qui lui seront payés pendant la saison en cours. Alain Vigneault a été remercié par les Flyers récemment avec 12,5 millions restant à son contrat. Plusieurs équipes européennes de soccer se sont récemment intéressées au soutien des entraîneurs en entourant maintenant leurs leaders de personnes venant supporter leur travail, en les faisant réfléchir et en augmentant les connaissances inter et intrapersonnelles de leur coaching. En décidant de mettre fin à un contrat qui coûtera 12,5 millions à l’organisation, imaginez si l’équipe décidait d’investir ne serait-ce que le dixième de ce montant au support apporté aux entraîneurs ?  

Le message change ailleurs dans le monde. Les entraîneurs sont maintenant engagés pour être supportés et non pour être congédiés. Si la performance des athlètes est le reflet du leadership des entraîneurs, quand va-t-on investir autant envers eux qu’envers les athlètes ? Si une performance optimale et soutenue est demandée aux athlètes, il faut que les entraîneurs soient soutenus en conséquence. Qui aura le courage de débuter cette révolution chez nous ?

Références

Côté, J., & Gilbert, W. (2009). An integrative definition of coaching effectiveness and expertise. International journal of sports science and coaching, 4(3), 307-323.

Leclerc, M. (2021). Nouvelle tendance sportive : soutenir l’entraîneur au lieu de le congédier. Radio-Canada SPORTS. https://ici.radio-canada.ca/sports/1846941/congediement-entraineurs-lnh-martin-leclerc-andre-lachance-francois-rodrigu

Newman, A., Donohue, R., & Eva, N. (2017). Psychological safety: A systematic review of the literature. Human Resource Management Review, 27(3), 521-535.

Trudel, P., Gilbert, W., & Rodrigue, F. (2016). The Journey from Competent to Innovator: Using Appreciative Inquiry to Enhance High-Performance Coaching. International Journal of Appreciative Inquiry, 18(2), 39-45.

Tsitsos, W., & Nixon, H. L. (2012). The Star Wars arms race in college athletics: Coaches’ pay and athletic program status. Journal of Sport and Social Issues, 36(1), 68-88.

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